6 novembre 2025

Temps de lecture : 5 min

« Avec la puissance de CMA Media, nos événements se déclinent dans tous les formats, sur tous les canaux et tous les médias.» Jean-Christophe Tortora

Président de La Tribune et directeur général du pôle presse de CMA Media, Jean-Christophe Tortora nous explique comment l’événementiel s’est imposé comme un levier stratégique au cœur du modèle éditorial et économique du groupe.

La Tribune, qui vient de célébrer ses 40 ans, organise une quarantaine d’événements par an. Quelle place occupe aujourd’hui l’événementiel dans le business model de la marque média ?

Quand j’ai repris La Tribune en 2012, l’événementiel représentait environ 5 % de notre activité. Aujourd’hui, cette part atteint près de 50 %. C’est dire le chemin parcouru. Les autres piliers demeurent essentiels bien sûr, que ce soient les abonnements, la diffusion, la vente de contenus, le publishing, ou encore les opérations spéciales, mais l’événementiel a pris une place structurante dans notre modèle global.

Outre La Tribune, quelles entités ou marques sont concernées par l’activité événementielle de CMA Média ?

Toutes nos marques sont concernées, à l’instar de La Tribune Dimanche, Corse-Matin, La Provence, mais aussi RMC, BFM et BFM Business. Chacune développe des formats éditoriaux ou économiques liés à l’événementiel. C’est une activité transversale, partagée par toutes les rédactions du groupe. Elle traduit notre forte conviction que le média ne se résume plus à publier, mais à incarner ses contenus dans des lieux de rencontre.

L’entrée de BFM et RMC dans le giron de CMA Media modifie-t-elle la stratégie événementielle du groupe ?

Oui, indéniablement. L’appartenance à un ensemble où coexistent presse, radio et télévision offre une puissance d’amplification inédite. Prenons un exemple concret. Les 13 et 14 novembre, nous organisons au stade Vélodrome à Marseille la troisième édition du sommet Artificial Intelligence Marseille (AIM). Cette année, l’événement est co-produit par La Tribune et BFM Business.

Il se vivra à la fois en live, avec plus de 3000 décideurs publics et privés autour de l’intelligence artificielle, mais aussi sur nos antennes et sur nos sites, grâce à des plateaux délocalisés, des journalistes en direct et des interventions croisées entre les rédactions. Avec la puissance de CMA Media, nos événements se déclinent dans tous les formats, sur tous les canaux et tous les médias.

Vous insistez sur la notion d’« événementiel éditorial ». Comment cela s’est-il construit au sein des rédactions ?

En 2012, lorsque j’ai souhaité intégrer l’événementiel au cœur de la stratégie éditoriale, cela représentait une petite révolution. Jusque-là, ces activités étaient considérées comme une diversification confiée aux régies publicitaires. J’ai voulu démontrer qu’un événement devait être le prolongement du travail journalistique, à condition d’y injecter une vraie valeur de contenu.

Pour moi, l’événementiel n’est pas un accessoire commercial mais un média à part entière, au même titre que le print ou le numérique. Il s’inscrit dans la même logique industrielle, celle de produire du contenu, de le distribuer, de créer de la valeur. L’événementiel fait partie intégrante du contrat de lecture de La Tribune.

Ce modèle possède deux vertus. D’abord, il recrée de la proximité entre journalistes et publics, à une époque où la défiance vis-à-vis des médias est forte. Les rencontres, les échanges, les débats nourrissent la réflexion éditoriale. Ensuite, il offre une valorisation des talents internes. Nos journalistes sont des référents dans leurs domaines, des figures reconnues dans leurs communautés professionnelles. Cette visibilité renforce la crédibilité du média et nourrit un cercle vertueux : contenu, audience, influence, valeur. Aujourd’hui, nos rédactions ont pleinement intégré que l’événementiel fait partie de leur métier, autant que l’écriture ou le numérique.

La concurrence est forte, dans un contexte où de nombreux groupes de presse misent sur l’événementiel pour diversifier leurs revenus. Comment La Tribune parvient-elle à se démarquer ?

Par la qualité. C’est un mot simple, mais c’est la clé. Tout repose sur le fond, sur la rigueur des contenus, sur la pertinence des intervenants, sur l’expérience vécue par le public.

Il est vrai que la concurrence s’est accrue, que l’offre s’est multipliée et que les audiences se sont fragmentées. Cela impose de produire des formats toujours plus ciblés, plus incarnés et plus exigeants. Un événement trop généraliste peine à trouver son public. Nous privilégions donc le sur-mesure, le contenu expert, le choix précis des angles et des sujets.

Et puis, depuis le Covid, les critères ont changé et se déplacer à un événement exige d’apporter une véritable valeur ajoutée. Aujourd’hui, seuls les formats qui combinent excellence éditoriale et expérience réussie attirent.

Dans quinze jours se tiendra la troisième édition d’AIM (Artificial Intelligence Marseille). Au-delà de la rencontre entre décideurs publics et privés de l’écosystème IA, l’événement semble porter des ambitions plus larges. Lesquelles ?

Absolument. La Tribune a toujours porté un regard attentif sur les filières émergentes et les grands enjeux économiques. L’intelligence artificielle s’inscrit dans cette tradition. Mais notre démarche ne s’arrête pas à la thématique, elle englobe également la dimension territoriale.

Chaque région française possède des atouts et des écosystèmes à valoriser. C’est notre responsabilité, en tant que média économique national, de participer à ces dynamiques locales. Ainsi, nous organisons des événements à Bordeaux sur la défense et le réarmement productif, à Marseille sur l’IA, ailleurs sur la transition énergétique, la santé, etc. L’économie ne doit pas se penser qu’à Paris, et cette décentralisation fait partie de notre ADN et contribue aussi à nous démarquer de la concurrence.

Les Rencontres internationales des médias (RIM) se sont « arrimées » aux Rencontres Économiques d’Aix, ces dernières « cohabitant » avec le Festival d’art lyrique. Cette hybridation des formats constitue-t-elle selon vous un modèle vertueux ?

Tout d’abord, le mois de juillet se prête bien à ce type de rencontres. C’est un moment propice à la réflexion, dans un climat plus apaisé. Et en tant que nouvel acteur industriel dans le monde des médias, avec un ancrage fort à Marseille, nous avions envie de contribuer au débat collectif sur l’avenir de notre industrie.
Les RIM ont donc été conçues comme un temps d’échange entre acteurs des médias, adossé aux Rencontres d’Aix organisées par le Cercle des Économistes. Cette hybridation fonctionne très bien car les publics se croisent et les débats se nourrissent mutuellement. Notre idée est donc d’installer un rendez-vous annuel pérenne, ancré sur notre territoire mais ouvert à l’international.

Vous co-organiserez l’an prochain le Congrès mondial des médias d’information. Un congrès qui ne s’est pas tenu en France depuis trente ans, ce qui est en soit une très bonne nouvelle…

Oui, nous en sommes très fiers. Ce congrès, organisé avec WAN-IFRA, ne s’était plus tenu en France depuis 1995. Nous avons porté la candidature avec le soutien de la ville de Marseille, la Région et la Chambre de Commerce et d’Industrie Aix-Marseille-Provence, convaincus que la France avait toute légitimité à accueillir de nouveau ce grand rendez-vous mondial.

L’événement se déroulera du 1er au 3 juin au Palais du Pharo, et rassemblera plus de 700 éditeurs du monde entier. Ce n’est pas un événement « pour » CMA Media, mais un événement « pour » la France, mis au service de toute l’industrie. Nous voulons en faire un moment utile, tourné vers les grands enjeux du secteur que sont notamment la régulation des plateformes, l’intelligence artificielle, les modèles économiques, ou encore la souveraineté de l’information. C’est une grande responsabilité, mais aussi une formidable vitrine.

Quels sont vos autres rendez-vous majeurs à venir ?

Le Paris Air Forum reste un pilier de notre calendrier événementiel Ce grand rendez-vous dédié à l’aéronautique et à la défense fêtera en 2026 sa 13e édition. Sa longévité prouve qu’un événement éditorial solide peut s’installer durablement. Nous préparons aussi Tech for Future, consacré aux innovations technologiques, et plusieurs initiatives liées aux élections municipales de mars, pour interroger notamment la transformation des villes et des territoires.

Et puis j’aimerais parler de notre événement Les Lauréates, organisé avec le magazine ELLE et qui vient tout juste de se dérouler. C’est un événement auquel nous tenons beaucoup, consacré aux femmes inspirantes dans l’économie, la recherche, la culture ou le monde associatif. La Tribune a toujours promu les valeurs de mixité et de diversité, et nous poursuivons ce travail avec conviction.

Dans un monde de plus en plus digitalisé, quelle place gardera l’événementiel selon vous ?

Je suis certain qu’il gardera une place centrale. L’événementiel est un média vivant, incarné, qui permet de retisser du lien humain. Dans un univers saturé de flux numériques, la rencontre physique reste un moment de vérité, d’émotion, d’écoute. Elle renforce la confiance, crée du sens.
Nous continuerons donc à investir ce champ d’expression, avec la même exigence éditoriale et la conviction qu’un média moderne sait faire dialoguer tous ses formats – print, digital, audio, vidéo, événementiel – autour d’une seule promesse, celle du contenu.

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