20 novembre 2025
Temps de lecture : 2 min
Il y a dix ans, la rue Notre-Dame-de-Nazareth à Paris et ses boutiques devaient incarner un nouveau modèle. L’entrepreneur Cédric Naudon y lançait La Jeune Rue, un projet pensé comme un manifeste commercial avec artisans et commerces de proximité, avec une scénographie soignée pour mettre en lumière l’idée d’un Paris locavore et créatif. Mais l’utopie s’est effondrée rapidement. Ardoises impayées, vitrines fermées et ambitions déçues ont remplacé les promesses d’un commerce durable et pérenne.
Aujourd’hui, cette même rue est devenue l’exemple parfait d’une autre logique du retail, celle du pop-up store éphémère. Mode, beauté, gastronomie, les enseignes y défilent à bon rythme. Selon Time Out Paris, la Mairie de Paris a même racheté plusieurs pas-de-porte pour endiguer la spéculation et préserver une place aux commerces de quartier. Un business de l’éphémère qui n’est pas sans rappeler la révolution Airbnb et ses dérives. Là où La Jeune Rue voulait installer la permanence, c’est l’éphémère événementialisé qui s’est finalement imposé. Chaque ouverture fonctionne désormais comme une activation de marque, pensée pour les réseaux sociaux, calibrée pour générer du flux et disparaître.
À quelques rues de là, l’ouverture du premier magasin permanent de Shein au BHV Marais révèle une autre facette de cette mutation. Le géant de la fast fashion y a installé un espace de plus de 1 000 m² qui a provoqué un véritable tollé. Ici, la marque chinoise a traité son ancrage physique comme un événement marketing total. Paradoxalement, bien qu’il s’agisse d’ouvrir un magasin permanent, la communication reste entièrement calibrée sur les codes de l’éphémère et de l’activation. D’un côté, une rue transformée en succession d’événements miniatures. De l’autre, un grand magasin historique où le commerce permanent s’habille des artifices du temporaire. Rien ne dit d’ailleurs que l’engouement pour Shein en version physique ne soit pas synonyme d’expérience one-shot pour les fidèles de la marque qui prospère en digital.
Ces deux scènes racontent une même bascule, dans un Paris désormais devenu média. L’éphémère fait vibrer les rues, attire les foules, génère du flux, mais cette tendance parviendra-t-elle vraiment à endiguer l’augmentation régulière des ventes en ligne ? Les marques parient sur l’expérience, le décor, l’instagrammabilité pour ramener les clients dans la rue. Mais transformer chaque ouverture en activation ne risque-t-il pas d’accélérer le mouvement inverse, en réduisant le commerce physique à un simple support de communication pour les marques, à un condensé d’expériences pas forcément doublé d’actes d’achats, quand le gros du business s’installe définitivement on line ? En cette veille de Black Friday, la question reste entière et devrait continuer d’inspirer les professionnels du retail comme de l’événementiel.
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