17 juillet 2025

Temps de lecture : 3 min

« La logistique événementielle est un métier de l’ombre, mais essentiel »

Invisible mais indispensable, la logistique événementielle est au cœur du bon déroulement des salons et foires. Amaury Chaumet, président d’ESI et fondateur de Venulog, raconte son parcours et sa vision d’un métier en pleine transformation.

Vous êtes à la tête d’ESI, un leader français de la logistique événementielle. Quel a été votre parcours avant de diriger cette entreprise ?

J’ai travaillé plusieurs années en Russie, au sein de la filiale d’un grand groupe, sur des problématiques de transport et de logistique multimodale. Ce fut une vraie école, avec un scope très large comprenant l’aérien, le maritime, la route, le ferroviaire, la douane, l’entreposage, etc. J’ai développé ainsi une expertise complète. En rentrant en France en 2010, j’ai fait le choix de me lancer dans l’entrepreneuriat. Mon objectif était clair : créer une entreprise dans la logistique, domaine que je connaissais parfaitement, mais en me positionnant sur des métiers de niche. C’est comme cela que j’ai repris ESI, une toute petite structure à l’époque, spécialisée dans la logistique pour les salons et événements.

Pourquoi ce choix de l’événementiel ?

Parce que c’est un secteur très spécifique, à forte valeur ajoutée, et peu industrialisé. Il y a une complexité logistique qu’on ne soupçonne pas. Acheminer des marchandises à temps sur des stands, gérer des produits souvent non encore importés ou vendus, assurer les formalités douanières, le « dernier kilomètre », l’installation… et tout cela sans marge d’erreur. On ne peut pas se permettre de livrer en retard sur un stand le jour de l’ouverture d’un salon. Il faut donc une expertise métier très pointue, mais aussi beaucoup d’agilité.

Aujourd’hui, ESI est devenu un acteur incontournable sur ce segment. Comment s’est faite cette croissance ?

Nous avons progressivement racheté plusieurs confrères et structuré notre offre. Aujourd’hui, le groupe compte environ 600 personnes pour 120 millions d’euros de chiffre d’affaires. Sur la seule activité « exposition » – c’est-à-dire les foires, salons et congrès en France et à l’international – nous avons une équipe dédiée de 70 personnes et réalisons environ 25 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Vous avez également investi le domaine du transport d’œuvres d’art. Comment cela s’est-il imposé ?

Ce sont en réalité trois activités distinctes. D’abord, le transport d’œuvres pour des expositions muséales, avec tout ce que cela suppose de rigueur : température, hygrométrie, escortes, accompagnement physique des pièces… Ensuite, une activité liée aux projets de décoration intérieure de très haute gamme, souvent pour des clients fortunés à l’international. Nous récupérons les pièces sélectionnées – meubles, œuvres, vaisselle, luminaires – partout dans le monde, nous les stockons, les emballons, les transportons et les installons sur site. Enfin, nous avons une troisième activité plus récente, à savoir le transport d’œuvres vendues en ligne, pour des maisons de ventes aux enchères ou galeries. 

Revenons à l’événementiel. Qu’est-ce qui vous a conduit à lancer la start-up Venulog ?

L’idée est née d’un double constat. D’un côté, une expertise métier très forte dans la logistique événementielle, de l’autre, une appétence pour la tech. Parallèlement, le marché des salons n’a quasiment pas évolué depuis trente ans : tout se fait encore par mails, fichiers Excel, coups de fil, délais d’attente, etc. Dans un monde où les comportements clients sont dictés par les standards du e-commerce, c’est un vrai décalage. J’ai donc imaginé une solution digitale, Venulog, une plateforme Saas qui permet aux exposants de commander leur prestation logistique comme ils commanderaient un billet d’avion. C’est un portail en ligne sur lequel l’exposant s’enregistre, décrit sa marchandise, obtient un devis, paie en ligne et suit son colis en direct. Par exemple, il peut recevoir des photos une fois sa marchandise installée sur son stand. Nous avons expérimenté une première version de Venulog sur le dernier Salon International de l’Aéronautique et l’Espace et, à la rentrée, nous lançerons une version enrichie, avec notamment un calculateur d’empreinte carbone.

Votre solution vise-t-elle aussi les gestionnaires de sites d’exposition et palais des congrès ?

Absolument. L’idée est de digitaliser l’ensemble de la chaîne. Un site pourrait ainsi proposer à ses exposants un portail intégré où ils déclarent leurs marchandises, reçoivent leurs étiquettes, créneaux de déchargement, laissez-passer, etc. Nous en discutons avec plusieurs gestionnaires de lieux. Tout est encore très artisanal actuellement, il y a donc un vrai besoin de fluidité. D’ailleurs, je précise que Venulog est une brique technologique indépendante d’ESI, donc n’importe quel logisticien peut s’y connecter. 

Le sujet environnemental est devenu central dans la proposition de valeurs des professionnels des events. Quelle est votre approche ?

Nous avons intégré un calcul automatique de l’empreinte carbone sur chaque devis. Mais notre ambition va au-delà. Grâce à la data collectée – volume, poids, destinations, typologie d’envoi – nous pourrons optimiser les flux : regrouper les transports, prioriser les accès, attribuer des créneaux horaires… Tout cela permet de réduire le nombre de camions, donc les émissions de carbone. Mais cela suppose une masse critique de données. D’où l’importance d’avoir des clients qui jouent le jeu.

Et à plus long terme, quelle est votre vision de la logistique événementielle ?

Il faudrait que la logistique événementielle sorte enfin de l’ombre. C’est un métier essentiel, mais invisible. Il faut qu’il soit reconnu, valorisé, et surtout, facilité. Le digital peut apporter énormément, tant en efficacité qu’en qualité de service. Venulog n’est qu’une première étape. Si, dans cinq ans, notre solution est utilisée massivement et que les logisticiens sont mieux considérés, alors ce sera une belle réussite.

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